Inconsciemment, il y a quelques années, nous avons ouvert et offert nos villes, nos villages, nos rues à d'étranges voitures pourvues de caméras. La « pêche à la donnée » fut fructueuse. Aujourd'hui, nous la payons. L'architecte, dans la chaine de production de données, est le premier producteur.
Cette référence à l'agriculture n'est pas anodine. Celui qui cultive nos fruits et nos légumes, est rarement le plein bénéficiaire au bout du compte de son travail.
Le projet, fruit de notre créativité, est un formidable assemblage de données. Les enjeux vont être de faire vivre cette donnée, de l'enrichir avec nos partenaires de la Maîtrise d'œuvre, la pérenniser, la protéger et la conserver. Le numérique facilite les circuits courts et donc la qualité, évitons les embûches de la grande distribution.
Comment faire ?
Il est évident que l'architecte doit s'affirmer comme le principal manager de la donnée. En premier lieu, partons du programme et des objectifs précis du Maître d'Ouvrage. Puis travaillons sur la récupération de la donnée : « le protocole d'échanges ». Il définit la maturité de chaque intervenant et sa capacité à récupérer la donnée. Le protocole doit s'adapter à chaque contexte et n'exclure personne.
Enfin, faisons en sorte que le contrat basé sur l'exploitation de la donnée, soit le plus profitable au producteur d'origine, à savoir l'architecte.
Quel contrat, quelle rémunération ?
L'architecte doit réaffirmer sa volonté d'être présent tout au long du processus du projet, de sa conception à sa réalisation. Sachant, que le futur bâtiment ne sera que l'exacte reproduction d'une maquette bien modélisée. Plus d'investissement en phase conception, c'est bien évident plus de rémunération en amont, avec un gage certain de qualité dans la réalisation de l'ouvrage. Refuser d'assurer le management de la donnée, c'est la certitude d'appauvrir notre rôle avec une multiplication des intermédiaires prompts à traiter les missions que nous délaisserons. Le risque : établir le permis de construire puis disparaitre du processus.
Comment pérenniser et partager la donnée ?
Dès à présent, je me sens prêt à assurer une mission de management de la donnée dix ans après la livraison de l'ouvrage. Mais suis-je certain que ma donnée soit accessible dans 10 ans ? Remettant en cause ma responsabilité contractuelle. Ne pas dépendre pleinement de l'extérieur (éditeur, hébergeur….) est un enjeu majeur de nos agences. Notre profession, avec ses partenaires de la construction, doit s'organiser pour ne dépendre que de nous-mêmes dans la pérennité et la protection de la donnée. C'est une des missions de la nouvelle association ADN Construction, dont l'Unsfa est membre fondateur. Accepter d'être présent après, c'est le gage d'être présent tout au long du processus de la conception à l'exécution et éventuellement dans l'exploitation de l'ouvrage. De nouvelles compétences vont enrichir nos agences : BIM manager, concepteur de réalité augmentée, réalisateur de film, pilote de drones, administrateur numérique de bien, ...
Enfin, protéger la donnée, c'est nous protéger contre l'extérieur mais également en interne. Créer une donnée est souvent un travail long et fastidieux. Une bibliothèque numérique est une richesse pour une agence, son exploitation doit être maîtrisée. Qui contrôle aujourd'hui les images de nos rues que j'évoquais au début de l'édito ?
Soyons optimiste, tout en restant réaliste, notre profession évolue et mute. Organisons-nous pour rester maître de notre donnée. Vous pouvez compter sur l'Unsfa et votre serviteur pour défendre notre profession face à ces nouveaux défis. Le BIM est « has been », vive « l'asset BIM ».
Bonne rentrée
| Lionel BLANCARD de LÉRY Vice-Président de l'Unsfa Président du Club BIM Prescrire |